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380 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

— C'est comme je vous le dis. Avertissez seulement le concierge, pour qu'il me laisse passer, — et surtout n'en dites rien à Monsieur le Préfet des Etudes.

— Vraiment, c'est un coup à vous faire expulser ! Santos haussa les épaules et désigna d'un clin d'yeux

Marna Doloré qui s'approchait, suivie de Pilar, de Marquez et de Léniot, un élève de seconde qui avait gagné la confiance de la créole en défendant le petit Marquez contre les taquineries de ses condisciples. — Puis à mi-voix : " Un coup à me faire expulser ? Bah ! je l'ai déjà essayé ce coup, — n'est-ce pas, le nègre ? " Demoisel répondit par son rire bizarre : " ahi, ahi ".

��V.

��C'était la première fois que Santos Iturria et Demoisel faisaient allusion, devant nous, à leurs équipées nocturnes. Pourtant, c'était le secret de Polichinelle. Je me suis tou- jours demandé pourquoi ils s'obstinaient à n'en rien dire. Depuis deux ans, cela durait. Chaque semaine, à certains jours, on voyait Iturria et Demoisel descendre du dortoir, au lever, avec les yeux vernis et les traits tirés d'hommes qui n'ont pas dormi. L'air accablé, les oreilles bourdon- nantes, ils ne venaient en étude que pour dormir, derrière une muraille faite de dictionnaires. Aux récréations, ils ne paraissaient ni dans la cour, ni dans le parc ; mais, lorsque nous rentrions en classe, nous les voyions se glis- ser hors des " turnes " où étaient les pianos, et se cacher dans nos rangs avec la démarche lourde de gens à demi sommeillant. Santos avait une pâleur qui lui seyait bien ; quant au nègre, il avait l'air d'un pitre mal grimé, une

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