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avec tant de vitesse que la tête vous tournait. Rompu de fatigue et d’émotions, on finissait par se terrer dans son coin, enfoui dans la pèlerine bleue à capuchon de gnome allemand.

Vers le soir la pluie commençait à tomber ; pas cette bonne pluie d’orage aux larges gouttes chaudes ; une petite pluie aiguë, rageuse et cinglante, jamais rassasiée, craquelant sans discontinuer les glaces du wagon, et ponctuant de folles virgules la grande page grise de l’horizon.

Bientôt des feux follets d’or ou d’argent dansaient dans la plaine, perçant l’ombre et s’étalant sur le buvard de la brume. On longeait, dans un bruit de vaisselle cassée, d’énormes files de wagons mornes, désaffectés, comme des corbillards au rebut, et c’était soudain l’engouffrement sous le hall de la gare, un punch de lumière où se fondait notre torpeur.

La grande cour du collège dardait tous ses feux sur une foule houleuse et les groupes parqués autour de chaque professeur. Chaque classe avait son point de ralliement où parents et élèves se pressaient. De loin, avec ces lumières crues, plaquées sur ces petits paquets noirs et mouvants, on aurait deviné l’abattoir et ses lots de moutons prêts pour le sacrifice : çà et là, au centre, quelques bouchers courant après les fuyards.

Le plaisir de retrouver les camarades et cette