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FERMINA MARQUEZ 485

sépare à jamais les honnêtes femmes des autres. C'étaient, pour ainsi dire, deux sexes différents. On respectait Pun ; quant à l'autre, " on le payait ", c'est tout dire. Cette opinion, chez sa mère et chez les bourgeoises de son entourage, était définitive et entière. Mais chez lui, elle avait été, naturellement, entamée par l'instruction qu'il recevait au collège. En effet, cette distinction, toute bourgeoise, est inconnue des grands écrivains : ils célèbrent indifféremment les femmes coupables et les femmes vertueuses; ils choisissent même de préférence, pour téroïnes, des femmes que leurs passions et leurs déporte- lents ont rendues illustres : Médée, Didon, Phèdre. Parfois Joanny se divertissait à imaginer un parallèle rotesque entre ces grandes amoureuses et les dames qui menaient goûter chez sa mère. Les caractères de l'Hon- lête femme étaient la laideur, la sottise, la médisance, /'autre femme, au contraire, la Méprisée, était belle, intelligente, généreuse. Sans aucun doute, c'était l'homme les premiers temps, le Mâle, qui avait établi cette distinc- tion, et qui, dans son intérêt à lui, l'avait imposée à sa compagne. Ainsi, sous la domination de l'homme, le (eau Sexe était tout pareil à un troupeau bien conduit,

t si bien morigéné, que ce troupeau en était arrivé à

lire lui-même sa police, et à chasser spontanément de sa lasse toutes les têtes indociles, toutes les brebis galeuses, toanny ne se demandait pas si cette loi était juste ou injuste, ni si la femme n'avait pas intérêt à s'y conformer;

ependant il constatait que la femme suivait cette loi,

iveuglément dupe de son éternel maître, l'avare proprié- tire de l'âge patriarcal, l'époux romain cum manu. En unme, la différence n'était pas bien grande : " les unes

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