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NOTES 535

qu'il en rapporta, il eut l'esprit de le canaliser dans une série de fantaisies qui sont comme les à côté de son œuvre et qui n'arrêtèrent jamais l'apre effort réaliste auquel il ne cessa plus de se consacrer.

On connaît la solitude, la matière épaisse et sombre de ses premières natures mortes : elles révélaient déjà un peintre admirable. Il n'avait pas encore rencontré l'œuvre de Cézanne : ce fut un gros événement. Mais si ce second maître étendit ses moyens, sa gamme de rapports et d'harmonie, il ne fit que le pousser plus avant dans le sens ou l'avait dirigé le premier. Elève de deux laborieux, de deux consciencieux, de deux passionnés de métier et de style, Charles Guérin leur doit peut-être d'être ce qu'il est, ou du moins d'avoir réalisé aussi complètement ses possibilités individuelles.

De peintre plus exclusivement peintre, je n'en sais pas depuis Cézanne ! Il y a de l'esprit dans Bonnard, de la ten- dresse intime dans Vuillard, du rêve dans Denis... poursuivrai- je ?... Je ne vois ici qu'amour des objets, amour de la matière des objets et des êtres, en ceci qu'ils donnent au peintre le maximum d'émulation, et que, beaux parce qu'existants, ils ne supportent qu'une représentation aussi belle ; autant dire amour de la peinture, art créateur.

Nu, portrait, nature morte, Charles Guérin ordonne, mais ne déforme pas ; il est d'abord respectueux du caractère. Et c'est un paradoxe qu'à propos de nus " canaille " si j'ose dire, et sentant le faubourg, il atteigne à la large beauté plastique, et par l'inscription de ce caractère justement. Ainsi il transfi- gure le moindre objet de ses natures-mortes, par le lyrisme de l'exactitude. Il saurait se tenir près de Cézanne et de Chardin.

Mais quelle exactitude fleurie, quelles nuances, quels accords ! On a pu craindre voici quelques années ce dualisme qui séparait le Guérin réaliste, du Guérin fantaisiste. Voici, comme nécessairement, qu'ils se rejoignent. Le même enchantement régnera désormais dans ces natures-mortes en fête, dont s'adoucissent, dont s'enveloppent d'air les contours et dans

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