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PAS-COMME-LES-AUTRES 6oi

dans tous les coins les soirs d'automne et d'hiver, peur, en été, des orages et de la solitude dans les sentiers des bois, peur du grand Christ décharné qui écarte les bras et joint les pieds sur la croix qui domine, à l'église, le maître-autel, peur des gros chiens qui s'approchent, non pour lui lécher les mains, mais certainement pour les lui mordre, les lui dévorer, peur des revenants enveloppés de longs suaires ! Ah ! Ce n'est pas lui qui marche la tête haute, fier, ou simplement insoucieux. Il s'avance à petits pas de petit ; il perd plusieurs centimètres de sa taille. Qu'est-il, près de ce gros menuisier, de ces maçons qui fument en construi- sant des maisons et qui vont dans les auberges, près du pharmacien dans la boutique duquel il n'entre qu'en balbutiant ? Qu'est-il à côté seule- ment des plus grands que lui, des garçons de douze ans qui viennent de faire leur première communion ? Il lui semble qu'il n'arrivera, lui,, jamais à douze ans. Et il ne leur parle qu'en tremblant.

On lui dit que l'univers est grand. Il sait qu'il n'est pas aussi grand que sa petite ville. Les autres ne se gênent pas pour crier à tue-tête dans la grand'rue : il n'y passe, lui, que le moins souvent possible, et toujours silencieux, parce que les bou- tiques l'en écrasent de tout le luxe de leurs devantures, et la tête baissée, parce que les com- merçants le dominent de toute leur importance.

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