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FERMINA MARQUEZ 633

le latin classique, et où tous les vulgaires seront oubliés. Et ce jour n'est peut-être pas si éloigné qu'on pense. — Voulez-vous, Mademoiselle, que je vous dise une chose ? Mais vous ne la répéterez à personne, vous me le pro- mettez ? Eh bien, j'ai appris, tout seul, à prononcer le latin à peu de chose près comme les anciens Romains le prononçaient. Il m'a fallu longtemps. Parce que, d'abord, je ne pouvais pas m'exercer à haute voix; dans les collèges français, on prononce le latin d'après certaines règles, et si l'on s'écarte de ces règles, les autres élèves rient, et puis les professeurs n'aiment pas cela. Les Américains, quand ils sont nouveaux ici, prononcent le latin à l'espagnole ; mais on leur apprend bien vite à le prononcer à la française. Il ne s'agit pas seulement de certaines lettres; il s'agit aussi de la quantité des voyelles. C'est parce que je l'ai bien apprise que je suis bon en vers latins. Parfois, quand je suis seul, et surtout pendant les vacances, en me promenant dans la campagne, je me récite de longs passages de Lucrèce, de Virgile et d'Ovide, en accentuant les mots à la romaine. Vous ne pouvez pas savoir quel plaisir c'est pour moi. Il me semble que je parle, dans leur propre langue, à tous ces grands hommes de l'Antiquité, et qu'ils me comprennent ! Par malheur, il faut que je me surveille attentivement, en récitant les leçons et en lisant les textes des versions ; je n'ai pas envie qu'on s'aperçoive que je n'accentue pas comme tout le monde.

— Mademoiselle, je ne vous ennuie pas, au moins ? "

Elle répondit : " Non, vous ne m'ennuyez pas. " Et

elle ajouta dans un soupir : " Monsieur Léniot, pourquoi

ne faites-vous pas un meilleur usage des dons que Dieu

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