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60 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

assez d'ardeur pour s'égaler à l'immédiate survi- vance d'un artiste même moyen.

Après une lutte millénaire et des alternatives de révolte et de domestication, les artistes ne semblent pas loin de faire reconnaître leurs droits souverains et d'exercer temporellement une domination jus- qu'ici virtuelle. Voici quelque cent cinquante ans que devançant les autres citoyens, ils ont affirmé les droits de leur imprescriptible dignité. Ainsi se forment les pouvoirs ecclésiastiques, insidieuse- ment spirituels au début. Est-ce que déjà poin- drait l'aube d'une nouvelle église ?

Toujours les fortes époques ont étroitement tenu leurs artistes, comme des maîtresses surveillées avec d'autant plus de rigueur qu'on fait d'elles plus de cas et qu'on craint davantage qu'elles ne se dévergondent. Pour les garder de l'orgueil, la vieille éthique tâchait de les convaincre qu'ils étaient moins nécessaires à la cité que les boulangers et les vignerons. Mais un jour vient où décidément les maîtresses refusent de se laisser assimiler à des servantes et où la passion que le peuple leur porte s'allie à trop de faiblesse pour savoir encore les tenir en respect. C'est, disent les esprits chagrins, le commencement de la décadence.

Un passage de Plutarque a de quoi provoquer l'étonnement. Au premier chapitre de la Vie de Périclès, on lit, suivant Amyot :

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