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UNE BELLE VUE 87

des tourments à son mari ; partout l'ombre grognonne de ce dernier l'y poursuivait. Au vrai, le château, le parc s'étaient démesurément agrandis ; nous nous y sentions perdus. Rien ne comblait la place que mon père avait tenue, avec son agitation perpétuelle. Et la solennité qui est naturelle aux lieux anciens aidait encore à notre mélan- colie.

Le dimanche, un fiacre venu de Charlemont nous y conduisait à la messe. Maman trouvait cela plus pratique ! Du moins le disait-elle, au lieu d'avouer tout bonnement que les faces hypocrites de la plupart des habitants de Saint-Clair lui étaient devenues odieuses. Elle ne voulait pas donner aux de Chaberton, aux Davèzieux, à madame Tuffier-Maze, prétexte à des mines apitoyées lorsqu'elle passerait dans ses crêpes.

La disposition d'esprit dans laquelle elle se trouvait par rapport à Longval lui permit d'accueillir sans révolte certaines suggestions du cousin Becquet qui jadis l'eussent fait bondir. Celui-ci, poursuivi par sa malchance ordinaire, avait vu sombrer la maison de vins qu'il repré- sentait. Il venait de trouver un médiocre emploi dans une agence immobilière. Avec la même éloquence lamentable et la même obstination qu'il déployait précédemment pour placer une barrique, il entreprit de convaincre maman de l'intérêt qu'il y aurait pour elle, soit à vendre, soit à louer une campagne qui représentait un capital non seulement improductif, mais dévorant. Une mère de famille, sou- cieuse de ses deniers, doit songer à l'avenir et savoir se^ résoudre aux sacrifices rendus nécessaires par les mauvais placements de son mari.

Maman se laissa persuader parce qu'elle le voulait

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