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LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

en existe de plus débiles encore, de rehausser les ouvrages imparfaits en faisant valoir à leur bénéfice la médiocrité de la production courante. On croirait, à les entendre, qu’il faille désespérer de notre temps, et que l’âge des grandes productions de l’esprit soit à jamais passé. Ils bornent leur office à prodiguer d’aimables encouragements à la moyenne des écrivains, alors que tant d’entre eux sont à décourager. Des questions personnelles les occupent uniquement, des questions de convenance et de relativité. Ils ont perdu le souci de cette somme anonyme de beauté que toute époque a charge de produire. Et le pis est que cette attitude des critiques se fait généralement approuver parce qu’elle paraît, avec quelque raison je l’admets, être la plus modeste, la plus convenable, la plus juste… Je l’estime ruineuse, et tiens que la mission du critique n’est pas de ménager les nerfs de ses contemporains. Dût-il sembler chagrin ou ridicule, dût-il rester aveugle à certains mérites secondaires, je veux que, suivant l’exemple d’un classique, il en appelle aux plus illustres des anciens de la qualité des ouvrages nouveaux ; je veux qu’il se répète avec Gœthe : " Il ne faut pas provoquer la production d’œuvres superflues quand il y en a tant de nécessaires qui ne sont pas accomplies… car il n’y a que les œuvres extraordinaires qui soient utiles au monde. " Je veux enfin qu’il soit sincère, grave, profond, se sachant