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l'ombrageuse 139

y porter les yeux : son odieux visage me fait honte. Jamais, cependant, je n'oublierai ces choses, jamais je ne me pardonnerai ". Et tandis que Philippe couvrait de caresses ses paupières, elle se mit à sangloter. " Surtout, ne m'en veuillez pas de ma faiblesse. Vous savez à présent en quelle ardeur contractée et farouche j'ai vécu ! Laissez- moi pleurer, il me semble que ces larmes emportent tout ce qui restait d'impur et d'obstiné en moi. D'ailleurs, ajouta-t-elle avec un sourire anxieux, c'est fini maintenant. La joie m'avait saisie tout d'abord : ah ! j'en étais si désac- coutumée ! En un jour, en une heure, j'ai passé de la pire affliction au comble d'un bonheur que j'avais cessé d'espé- rer ." Et posant son bras, d'un geste craintif et doux, sur le cou de Latour, elle penchait le front vers lui. :

Mais elle s'arrêta. On venait de heurter à la porte de l'appartement. Avec un empressement singulier, déjà Philippe s'était levé. Sous le regard interrogateur de la jeune femme, il est vrai, il parut se raviser : un moment l'Ombrageuse le vit devant elle demeurer debout, hésitant. Mais l'on frappait à nouveau : vivement, sans plus tourner la tête, Latour alla ouvrir.

Un court colloque s'engagea derrière la porte : soudain il parut à Isabelle qui était restée à sa place, que quelqu'un venait de prononcer son nom. Etonnée, à son tour, elle se leva. Philippe justement revenait vers elle. " Il y a là, fit-il, une femme de chambre que Boboli vous envoie : voulez-vous lui parler : il paraît que c'est pressé. "

" Boboli ! Comment a-t-elle appris que j'étais ici ? Et que peut-elle avoir de si urgent à me dire ? " L'explication ne tarda guère. A peine Latour s'était-il écarté, Isabelle reparut devant lui, l'air atterré. " Savez-vous ce que l'on

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