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158 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

et l'on en trouverait des exemples plus voisins encore dans John Ford ou Thomas Heywood. Le goût du clair obscur, l'atmosphère quasi-surnaturelle, l'emploi du fantastique pour objectiver certains sentiments, pour illustrer certaines situa- tions, sentent l'influence germanique ; Gerhardt Hauptmann n'y est pas étranger. Quelqu'un disait que les silhouettes des deux tantes, dessinées avec tant de sèche exactitude, rappe- laient la manière de Henry Becque. Peut-être, mais point directement. Au reste, toutes les influences que je viens de signaler, M. de Bouhélier ne paraît les avoir subies que de seconde main, à travers la personnalité d'un auteur qui se les était déjà assimilées. Je pense à Léonide Andréiev. Le Carna- val des Enfants retient quelque chose de cette schématisation qu'on peut trouver sublime, ou ridicule, dans La Vie d'un Homme.

Restent les figures du drame : celles de la jeune fille et de son amoureux ; celle de la pauvre lingère qui, toute sa vie, vainement chercha l'amour et fut par tous trahie, méjugée, honnie, bien qu'elle répandît autour d'elle le charme d'une âme invisiblement pure. Et cette position tragique : une mère, que tient déjà la mort, confessant à sa fille, afin qu'elle ne soit abusée par la Calomnie, les secrets les plus beaux, les plus douloureux de sa vie, et se voyant refuser la tendre complicité qu'elle implore, comme une absolution. L'enfant, craignant que ces révélations n'écartent d'elle son fiancé, blessée dans son égoïste amour, déserte avec rancune le chevet de sa mère agonisante. Tout à l'heure elle laissera son vieil oncle et sa petite sœur à la merci de la mauvaise fortune, sauvant sa jeunesse, fuyant avec celui qu'elle aime cette maison où la menace toute la vie avant elle vécue.

Voilà le conflit, sans doute admirable, qu'a imaginé M. de Bouhélier. Je n'en sais guère de plus imposant. Voilà le fonds humain de son drame. Il n'en est pas de plus tragique, de plus profond, de plus essentiel. Je regrette seulement que, pour atteindre à la grandeur, l'auteur ait cru devoir rester dans les générantes, qu'il ait tant tourné autour de son sujet, le bornant quand il y vient au développement d'une scène uni-

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