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ISABELLE 307

projet de fuite ; (projet que j'ignorais moi-même avant d'avoir lu cette lettre) c'est un vieux serviteur buté, butor même au besoin, qui pour défendre le bien de ses maîtres ne croit devoir reculer devant rien.

— Comment ne l'a-t-on pas arrêté ?

— Personne n'avait intérêt à le poursuivre, et les deux familles de Gonfreville et de Saint-Auréol craignaient également le bruit autour de cette fâcheuse histoire ; car quelques mois après Mademoiselle de Saint-Auréol mettait au monde un malheureux enfant. On attribue l'infirmité de Casimir aux soins que sa mère avait pris pour dissimu- ler sa grossesse ; mais Dieu nous enseigne que c'est souvent sur les enfants que retombe le châtiment des pères. Venez avec moi jusqu'au pavillon ; je suis curieux de voir l'endroit où vous avez trouvé la lettre.

Le ciel s'était éclairci ; nous nous acheminâmes en- semble.

Tout alla fort bien à l'aller ; l'abbé m'avait pris le bras ; nous marchions d'un même pas et causions sans heurts. Mais au retour tout se gâta. Sans doute restions- nous passablement exaltés l'un et l'autre par l'étrançeté de l'aventure ; mais chacun très différemment ; moi, vite désarmé par la complaisance souriante que l'abbé finale- ment avait mise à me renseigner, déjà j'oubliais sa soutane, ma retenue, je me laissais aller à lui parler comme à un homme... Voici je crois comment la brouille commença :

— Qui nous racontera, disais-je, ce que fit Mademoiselle de Saint-Auréol cette nuit là ! Sans doute elle n'apprit que le lendemain la mort du comte ? L'attendit-elle, et jusqu'à quand, dans le jardin ? Que pensait-elle en ne le voyant pas venir ?

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