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LE LIVRE DE l'aMOUR 4I7

interrogeais chaque chose pour entendre parler de lui, mais maintenant elles n'ont plus rien à te répondre, et c'est pour toi comme s'il était mort.

— Peut-être.

— Moi, je ne suis qu'une petite fille. Je chante quand il fait beau. Je chante le dimanche parce que c'est dimanche, et encore le lundi si l'envie m'en prend ; et quand Jacques vient à la ferme, je ne m'empêche pas d'être heureuse...

— Blanche, Blanche, il est bien vrai, tu n'es qu'une petite fille. Il y a autre chose. Blanche, que d'être assise à côté de Jacques tout un soir et de caresser sa barbe en voyant au-dessus de sa tête la plus grosse étoile ; il n'y a pas que de l'aimer lorsqu'il est là. Mais ce grand désir en nous, comme un enfant qui tend les mains vers la lampe allumée, d'un bonheur et d'une joie durables ! Ce fleuve d'amour qui coule dans nos coeurs, si large qu'il lui faudrait pour s'étaler en paix le lit de l'éternité ! et alors, la détresse d'une voix immense criant sans trouver d'écho ; la peur du lendemain ; ne pas oser croire aux paroles parce qu'elles n'engagent que le présent ; ne pas oser rien faire parce que tout sera défait ; ne pas oser aimer, car on n'aimera pas toujours...

— Tu me fais penser aux fillettes qui ne trouvent jamais belle leur poupée à moins de l'appeler reine.

— Ecoute : quand j'avais quinze ans, j'allais rôder aux lisières des bois, et souvent j'étais seule

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