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426 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

langue en tutelle. Jamais les lois du beau langage n'ont eu sur elle la même autorité que chez vous. Presque chaque pas important, chaque modification heureuse marque un écart toujours plus accentué hors de la convention ; et ceci provient de ce que l'initiative ne procède jamais d'une société aristo- cratique qui s'est donné des conventions et des lois de langage, mais bien d'individus qui s'enfoncent toujours plus profondément dans leur vie inté- rieure.

Je suis bien trop peu philologue pour pouvoir porter ici un véritable jugement, mais il me semble qu'il faudrait parler bien moins de la lucidité de la langue française que de la transparence, de la communicabilité, de la sociabilité, si je puis dire, de la pensée française ^ Je suis heureux de me trou- ver d'accord avec Schopenhauer qui s'entendait en langage et qui a dit aux Allemands les paroles les plus dures sur le dévergondage de leur façon de s'exprimer. Dans ses Parerga et Paralipomena (vol. II, aph. 287), il ne loue pas la langue fran- çaise, mais la manière française de ranger naturelle- ment les pensées les unes à côté des autres, au lieu de les entrelacer à la manière allemande. Quelques lignes plus loin (aph. 299*^'^), il nomme le français

1 II est certain, d'autre part, qu'une langue une fois formée par les besoins d'une certaine mentalité, tend à conserver cette attitude intellectuelle, mais seulement quand le puissance des conventions est plus grande que celle des tendances originaires de l'esprit.

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