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522 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Madame Charras. — Il faut vous dire, ma chère amie, que monsieur est le plus fantaisiste de nos mystifi- cateurs. Il est écrivain.

Madame Brun, imperturbable. — Ah ! très bien.

Mademoiselle Cazagnaire. — C'est une noble car- rière, monsieur, surtout quand on consacre sa plume à défendre les traditions, la religion, la propriété et la famille, sapées aujourd'hui par une tourbe socialiste dont l'audace épouvante tout esprit bien pensant.

Maurice. — Oh ! mon Dieu ! les traditions sont en- core assez solides pour se passer de mon faible appui... Aussi je ne le leur impose pas.

Madame Brun. — C'est un tort, monsieur, un grand tort ; car, par les suites d'une telle indifférence, on en vient à laisser au bas peuple acquérir une influence qu'il n'aurait jamais dû prendre dans une société organisée. Cela me rappelle tout à fait les gens qui ont des opinions saines, mais ne votent pas.

Madame Charras. — C'est pour mon mari que vous dites cela, ma chère Emilie ?

Madame Brun. — Comment ! votre mari ne vote pas ?. . . Ah ! par exemple, c'est le comble. Mais alors, ma chère, comment voulez-vous que nous résistions aux radicaux ?

Maurice. — On ne peut jamais résister aux radicaux, madame.

Madame Brun, se retournant^ avec mépris. — Vous êtes anarchiste, je vois, monsieur. . .

Maurice. — Anarchiste traditionnaliste, oui, madame.

Madame Brun, suffoquée. — Hein ?

Maurice, souriant. — Anarchiste pour mon compte.

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