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annonce toute sa contrée. Sur un étroit monticule elle tourne, s'élève, mystérieuse, noire, couleur de soufre ; il semble qu'elle ait pris sur quelque bûcher cette teinte de fumée et de flamme, au temps où l'Espagne catholique allumait ses hauts incendies. Une oppression tombe sur notre cœur. Mais on aborde ; la pierre où les pieds s'appuient est rose ; déjà cette générosité, ce royal accueil! Franchissant la jetée de granit vermeil nous atteignons le sol même, d'une teinte ocreuse, torride aux regards. Et voici que sous un ciel païen, plus exalté que les chants d'Homère, une cloche sonne ; aussitôt on a reconnu les deux puissances de ces lieux: l'enivrement et le tombeau. On lève la tête, on voit l'imposante, la maussade église ; tout l'azur, qui dans l'espace s'étale sans limites, sans se disjoindre, et semble rouler autour de la terre, ne la baigne pas et ne la pénètre pas: ce sont des royaumes ennemis. Par les plus chauds après-midi d'août le clocher espagnol conserve sa gravité ; sa pierre compliquée, travaillée en retrait comme les alvéoles, repousse les complaisances de l'air, les crépitements du soleil, se fait à soi-même de l'ombre. Ce lourd bijou d'une teinte d'or a la sourde lueur de la topaze ternie. Qui officie dans cette noire église ? Sans doute un prêtre impétueux, cruel, un frère de quelque beau tueur de taureaux ; et la cloche, qui sonne encore, comme un couteau courbe m'entre dans le cœur.