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Page:NRF 6.djvu/108

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I02 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

s*allongea d'un air décidé. L'ombre fondit. Une bougie, un gros bougeoir de cuivre, une main, un bras, une figure rougeaude et, en un clin d'oeil, toute la cuisine de Lévy coulèrent dans le cercle de la lumière.

Lévy tourna le visage vers la cour en clignant des yeux, puis fit écran avec sa main pour mieux voir. Ses doigts devinrent transparents comme de la cire rose.

Alors il aperçut le Voyageur qui se tenait debout, hébété, et il lui fit signe, doucement, en retirant la main qui faisait écran.

Lui obéit, enjamba l'appui-fenêtre, vit le dos du petit marchand qui passait par une porte, le suivit, et fut étonné de se retrouver dans la salle à manger. On ne percevait pas d'autre bruit que des reniflements dans l'ombre.

Lévy posa le bougeoir sur la table. Les figures dépei- gnées et bouffies des pauvres diables apparurent dans l'éclat dansant de la flamme. Ils le regardaient tous d'un air triste. Le Voyageur eut la conviction qu'avant qu'il ne les vit, dès le moment où il était entré dans la pièce, ils le regardaient déjà, tous avec ces yeux tristes. Lévy s'était retourné et le dévisageait également.

Des billes de plomb et des pierres jonchaient la table. Le globe de porcelaine rose était éventré. Le verre de la lampe couvrait la table de miettes coupantes ; le manchon du bec Auer s'effilochait dans son tuteur de métal. Les dégâts n'avaient pas l'air d'être autrement graves.

Le Voyageur voulut parler et avança le menton. Il n'y parvint pas. Le petit marchand lui tendit quelque chose qu'il saisit machinalement. Il reconnut son chapeau melon. Puis Lévy reprit son bougeoir et s'enfonça dans

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