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138 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

munique une fertilité, une souplesse, une industrie surpre- nantes. C'est ainsi qu'il départit à l'illustration, devenue métier banal, un peu de cet art qu'il détient. Non pas qu'il entreprenne à grand bruit de la rénover. Mais en passant, sans insister, il lui enlève sa banalité, il la fait fleurir délicatement. Et seuls les gens avertis s'apercevront de la transformation. Sans le pré- venir, il substitue aux laideurs que le vulgaire avait pris l'habitude d'admirer, des images qu'il a le droit d'admirer. Il trahit doucement le spectateur ; il ne le brusque pas ; il le trompe avec bienfaisance ; il peint, sans inquiéter son plaisir, des figures qui le justifient ; il arrive à faire le bon si peu distinct du mauvais qu'on peut continuer au premier l'atta- chement que l'on avait pour le second. — Sans doute à cet exercice Denis parfois se diminue un peu, inchne son talent. Du moins travaille-t-il à atténuer le malentendu qui sépare les artistes du public.

Quant à Bonnard, il peint pour les gens riches et intelligents; à la fois il donne des prétextes à leur goût et il satisfait dis- crètement leur besoin de luxe ; il cherche le rare dans le confortable. Il compose un tableau comme on meuble une chambre. Il confronte des tons à la façon dont on rapproche des étoffes ; il sait les choisir avec nouveauté ; il s'entend à l'art des voisinages : on risque une légère dissonnance, puis on l'efface aussitôt dans l'ensemble où elle n'agit plus qu'imper- ceptiblement, juste assez pour tenir éveillée la sensualité. Et sous ces jeux savants et douillets les angles du salon, je veux dire l'armature du tableau, les contours des objets disparais- sent : on se sent à l'aise dans une atmosphère subtile. Si l'on pouvait entrer dans une de ces toiles, on ne trouverait point où se heurter.

J. R.

��LES PAYSAGES DE FRANCIS JOURDAIN. (Galerie Druet.)

Pour avoir pris leçon de l'art des Japonais, Francis Jourdain n'a jamais perdu le contact avec les choses. La conception,

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