256 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Mais le symptôme qui nous rend le plus suspect l'art de Lafcadio Hearn, c'est l'inintérêt, la banalité, la sensiblerie, de tout ce qui cesse d'être pittoresque et qui tâche de devenir humain. Cette petite fille sauvée de la catastrophe, élevée par des marins, retrouvée par son père qui meurt dans ses bras sans la reconnaître, toute cette histoire est d'un romanesque pour pensionnaires. On dira que l'art de Lafcadio Hearn ne le porte pas vers le roman, mais vers la légende. Précisément. Mais il reste à savoir si une légende émouvante, authentique, n'est pas le simple prolongement d'une expérience profonde, et s'il a jamais pu s'en former dans un esprit qui ressentait avec fadeur et médiocrité ce qui est simplement, quotidienne- ment humain. J. S.
REVUES
Suarès, dans la Grande Revue, cherche à expliquer le malaise que plusieurs ressentent mais n'osent plus avouer devant l'œuvre d'Ingres :
" On ne peut l'aimer, et sa force s'impose. Il n'a rien pour plaire, et l'on s'attache à sa vertu, comme à un mal nécessaire. Il n'a point de charme et sa sévérité retient. Au cours d'une vie presque séculaire, s'il lui arrive deux ou trois fois de nous séduire, il nous tourne le dos, et c'est à lui-même qu'il déplaît, s'il a la malheur de nous plaire. Il donne un enseignement qu'on ne peut repousser, mais qui tue, si on le suit à la lettre. La raison accepte ses leçons et le sentiment y répugne. On le subit et l'on n'est soi-même qu'à condition de s'y soustraire...
Où est son cœur ? Il touche au génie par la force de la volonté et la grandeur de l'application. Il a parfois l'ardente minutie des primitifs ; et pourtant il n'a pas l'ombre d'ingé- nuité...
La délicieuse esquisse pour le portrait de M"' d'Haussonville, elle a la déhcatesse du modèle ; elle en a le charme si jeune et la souplesse ravissante. Le bras nu, l'avant bras replié sur la saignée, avec le galbe d'une tulipe, c'est la chair en fleur ; le bracelet au poignet frêle, la taille fine et ronde, les cheveux.
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