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PAYSAGES DE LA TRENTIEME ANNÉE 343

C'est de ce côté-là que s'appuient les maisons, de très loin faisant face à Calcatoggio et au Col San Bastiano, d'où, venant d'Ajaccio, on aperçoit pour la première fois la baie de Sagone. Les deux vil- lages, séparés par toute la largeur du golfe, ne sont l'un pour l'autre qu'une vague lueur blanche. Etroite pointe projetée entre la mer et le ciel, on n'y est que par la vue seule en contact avec le monde. De ce lieu élevé on assiste souverainement à la lutte au rythme alterné que les eaux livrent à cette côte multiforme et festonnée comme si ses contours avaient été tracés par des pas de danseurs. — Les roches rouges, les vieilles forêts du golfe de Porto se tiennent sombres et violentes aux confins extrêmes de regard. — Vigies oubliées, les tours génoises s'échelonnent le long des falaises comme autant de phares éteints. Les siècles de lutte et d'héroïsme sont passés, ils n'ont pu em- pêcher rHe de retomber dans une dépendance sans gloire. Si près du berceau de toute humanité, elle reste un rocher stérile et fruste, les vagues qui se brisent à ses récifs vont baigner l'Italie, la Grèce et l'Espagne, mais entre les trois glorieuses pénin- sules et le continent de France, la Corse inculte et romantique est sans destinée ; elle ne se rattache à rien d'universel. Trop faible pour être centre, elle ne sut se soumettre à la fécondation d'aucune pensée étrangère et la voici sans signification, muette, sauvage et perdue. Elle émit son héros

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