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Page:NRF 6.djvu/62

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de trop épais qui distendait mes veines. Et je sentais que l’air était épuisé depuis longtemps, et qu’il ne restait plus qu’un rebut de respirations qui répugnait à mes poumons.

Mais maintenant c’est fini ; j’ai résisté. Me voici dans ma chambre assis près de la lampe ; il fait un peu froid, car je n’ose pas mettre le poêle à l’épreuve ; s’il allait fumer et de nouveau me chasser au dehors ! Je suis ici et je pense : si je n’étais pas pauvre, je prendrais une autre chambre avec des meubles moins fatigués, moins hantés par les précédents locataires. D’abord il m’en coûtait vraiment d’appuyer ma tête dans ce fauteuil ; là, dans sa garniture verte, il y a un vallonnement d’un gris graisseux, bien à la mesure de toutes les têtes. Dans les premiers temps je prenais précaution de mettre sous ma tête un mouchoir ; mais maintenant je suis trop fatigué ; et du reste ce petit creux convient tout particulièrement à ma nuque. Mais si je n’étais pas pauvre, je commencerais par m’acheter un bon poêle ; et je me chaufferais avec du pur bois de montagne ; et laisserais ces pitoyables “têtes-de-moineaux” dont les émanations me font le souffle si court et la tête si lourde. Et puis il me faudrait quelqu’un qui veillerait sur le feu et le rallumerait à propos, sans vacarme. Car il m’arrive souvent de rester un quart d’heure, à tisonner, agenouillé contre le brasier dont l’éclat me crève les yeux et me rissole la peau du front, dilapidant d’un