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Page:NRF 6.djvu/672

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666 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

tranquille. Cette fois, c'est le cuisinier somali qui se préci- pite le couteau à la main, malgré les protestations des boys. Il lui tarde moins de s'emparer des halbrans que de s'as- surer le droit exclusif d'en manger ce soir, car si viande saignée par un abyssin est impropre à la consommation d'un croyant, ce qu'a touché le musulman est impur désormais pour le chrétien abyssin...

Mes hommes sont assis à l'ombre ou se lavent les jambes dans l'eau courante. De merveilleux merles métal- liques, au-dessus d'eux, volètent dans le feuillage trans- parent et serré des mimosas. Il fait chaud. On s'arrache avec peine à la fraîcheur de l'ombrage et de la rivière. La route regrimpe, contourne, en s'élevant peu à peu, un épais mamelon, hérissé de broussailles d'où partent devant nous de criardes compagnies de pintades. Admirable horizon spacieux, d'une clarté précise et douce. Quel relief y prennent les pentes étalées des montagnes qui, à gauche, prolongent l'Errer. Dans la vallée, nombreux villages : paillottes rondes, toits pointus, les meules de paille font des bosses dorées à côté des huttes moins hautes qu'elles ; une zériba d'épines et de branchages secs entoure le tout. La Modjo, à 1 1 heures, nous arrête. Elle coule, abon- dante et profonde, encaissée entre des berges herbeuses. Nos bêtes, en la traversant, ont de l'eau jusqu'au poitrail. C'est non loin du passage, dans une boucle, au milieu des mimosas, que nous campons sous la lourde chaleur d'un ciel qu'encombrent d'éclatants nuages blancs. Au haut d'un arbre mort, un grand aigle brun nous regarde, immobile. Le bruit des mulets qu'on décharge, les cris des nagadis, les coups de maillets sur les piquets de tente ne l'émeuvent pas j à peine, de temps en temps, d'un

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