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imitent son exemple. Grand brinqueballement à nouveau dans mes cantines secouées. À mi-côté, Gabregzier et Nage, qui rentrent à Addis-Abeba, s’arrêtent pour me faire leur adieux. Gabregzier est ému ; pendant six mois, il m’a servi d’interprète ; ainsi que tant d’autres de ses pareils, Abyssins décriés, il fut pour moi presque un ami : je ne m’en sépare point sans peine. Avant de prendre congé, il refait les plis de sa chamma, se drape dans son bernous dont il rejette le pan sur l’épaule, prenant ma main ensuite il la presse sans mot dire sur son front. Derrière lui, Nago, l’ex-marmiton, se tient debout, tout droit dans son vêtement blanc par-dessus quoi il porte invariablement un gilet noir de coupe européenne. Il a une petite larme au coin de l’œil, tandis qu’il m’adresse en amharique un long discours que Gabregzier traduit à mesure. Enfin, il s’avance, s’incline jusqu’à toucher ma botte de son visage. Et tous deux s’éloignent en tirant leurs mulets par la bride et de temps en temps se retournant pour nous saluer encore.

Du plateau, l’on domine l’ample vallée de la Bourka, pleine d’arbres et d’ombrages et qu’une fine lumière bleuit délicatement. Une suite de collines l’encaisse à droite, mollement ondulées et qu’une à une nous allons gravir. À gauche, carrée et plate, se dresse la falaise du Mindjar qui durant vingt kilomètres prolonge en ligne droite sa muraille de pierre, sans pli et sans arêtes, pour mourir devant le massif du Kassam dont les cimes pointent à l’horizon. Admirable et spacieux paysage : tout y est limpide et allègre. Des deux côtés de la route, des cultures sont éparses : la moisson est faite, il ne reste plus