Page:NRF 6.djvu/719

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CONSEILS A MON FILS 713

ne vous y laissez pas enrôler, sinon on vous regar- derait comme un de ces litterati de profession, ce qui n'est le moyen ni de briller ni de s'avancer dans le monde.

Le commerce des beaux-esprits reconnus et des poètes a de grands attraits pour la plupart des jeunes gens qui, s'ils ont de l'esprit eux-mêmes, sont charmés d'en rencontrer et, s'ils n'en ont pas, sont sottement fiers d'être du nombre de ceux qui en ont. Il faut y fréquenter avec discrétion et discernement et ne jamais s'y adonner. Le titre de bel-esprit n'a rien qui prévienne, il porte avec lui une idée de terreur. On redoute, en général, dans un cercle, un bel esprit en chair et en os, autant qu'une femme tremble à la vue d'un fusil qu'elle s'imagine prêt à partir de lui-même pour la blesser. Leur commerce est donc à cultiver, mais sans exclusion et jamais au point de vous faire passer pour un des leurs.

{Lettre CXXXIII — 12 octobre 1748).

J'ose me flatter que vous n'avez point de vices, mais si, par malheur, vous en avez, du moins, je vous en prie, contentez-vous des vôtres sans adopter ceux de personne. Je suis persuadé que cette adoption des vices d'autrui a perdu dix fois plus déjeunes gens que n'auraient fait leurs incli- nations naturelles.

{Lettre CXXXIII déjà citée).

S

�� �