LÉVY 8 1
les pierres reprirent. Mais des lueurs d'une espèce nou- velle dansèrent dans le trou de l'imposte. Les gens de la petite salle se regardaient en blêmissant. Ce devait être les journaux qu'on enflammait.
— " Ah ça, est-ce que j'ai ma tête à moi ? mais c'est qu'ils vont le faire comme ils le disent ! "
s'écria le Voyageur. Il dévisagea successivement chacun de ces pauvres diables. Il reconnut la terreur, la haine, l'an- goisse poussée jusqu'à l'agonie, — pas un signe de révolte.
Alors il fut secoué par un mépris sans borne, et posa sur la table d'un air provoquant son revolver, un petit Browning bronzé de dix-neuf quatre-vingt quinze dont il ne s'était jamais servi.
La vieille femme, dans la cuisine, éclatait en cris stri- dents. L'homme de haute taille, à la barbe noire correcte, aux yeux bruns et à la peau nette se sentit vraiment d'une race supérieure. Le mot d*aryen lui revint. Il ne savait pas ce que ça voulait dire. Mais il comprenait qu'il ne voulait pas mourir et que ces gens-là se laisseraient égorger comme des moutons.
— "Je suis un aryen, entendez-vous ? un aryen ! voici mon revolver. Faites-la taire. Le premier qui entre je l'abats. "
Des vieux souvenirs de romans militaires agitaient sa natiu^e pacifique. Il avait pris le ton du commandement.
Une seconde figure éclairée par en bas de reflets cui- vrés et dansants montait devant l'imposte. Une figure de séminariste singulièrement excité. Il était clair qu'il se préparait à jeter les journaux enflammés dans la boutique.
D'une voix brève — son ancienne voix de sergent de réserve — le Voyageur ordonna :
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