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Page:NRF 7.djvu/119

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NOTES 113

mystiques — se font plus exigeantes, plus impérieuses, plus pressantes. De ce double état d'émotivité religieuse et de désenchantement intellectualiste est né P Homme qui a perdu $tm moi, où, négligeant d'ailleurs bien des arguments antirationa- listes, M. Beaunier a voulu, très précisément, montrer " sous les espèces d'une allégorie persuasive ", que la science est impuissante à " organiser, toute seule, la vie des sociétés et des personnes ". " La science, dit-il dans une éloquente dédicace à M. Paul Bourget, ne favorise pas l'heureux et normal déve- loppement de nos individualités. Elle est abstraite ; et nous sommes vivants... Elle est inhumaine. Ce mot n'est pas pour la dénigrer ; mais je constate que l'admirable science est tout autre chose que nous et, bref, n'a presque rien à faire avec nous... Combien est mieux humaine et mieux adaptée à nos besoins une croyance très ancienne qui ait accompagné, â travers maintes péripéties, nos familles, nos parents, et qui ait, peu ï. peu, dès avant notre naissance, préparé nos âmes et les condi- tions de leur épanouissement naturel ! " Comment M. André Beaunier a-t-il concrétisé ce dessein abstrait ? Il a imaginé un jeune savant de génie qui abandonne tout pour la science, le coin de terre où il est né, ses parents, sa femme — une femme qu'il aime — ses souvenirs, ses tendresses, ses amours. Michel Bedée se réfugie dans la solitude. Il va à Rijnsburg, le morne et silencieux village où Spinoza composa P Ethique. Là, dans une maison et une chambre pareilles à celles du philosophe, devant le même horizon plat et monotone de choux verts, il livre sa tête aux idées. Il n'est plus qu'un lieu d'ébat pour des sj-llogis- mes, un homme qui a perdu son moi, son moi profond. Et, en phrases glacées, M. Beaunier s'efforce de nous donner de cet homme déraciné, divorcé, désorbité, dépersonnalisé, tel que " serait, dans la durée, une minute dont personne au monde n'aurait conscience et que nulle mémoire n'enchaînerait à la continuité des minutes ", une vision poignante, une vision tragique... A la fin, cependant, Michel Bedée reconnaît son

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