Page:NRF 7.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l62 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

silence et l'ombre ; et, comme dans le temps où venaient te chercher les soldats de M. de Peter- borough, il y a toujours, dans les ténèbres et la paix de la nuit, d'étranges êtres qui rôdent autour de ta maison, poussent la porte et rentrent.

Celui-ci, qui se glisse à pas prudents, famélique, étriqué et tourne — en riant niaisement — sur ses talons, quel est-il ? Mais, c'est le pauvre Jacques, celui qui est né parmi les voleurs 1 Et cet autre qui est un drôle de boy, mince, hirsute, qui s'avance auprès de Jacques et dresse vers toi, dans la demi-clarté, le large rire de ses dents aiguës, c'est Bob Singleton le pirate, le marin qui, comme Robin Cruso, porte déjà l'habit de poils et le parasol. Mais Jacques, mais Bob, ces êtres de ton imagination, Daniel, ne sont pas seuls à entrer. Voilà, non loin d'eux, le pauvre artisan qui a sur- vécu à la peste de 1666. Il a bien vieilli, de Foë ; il n'a plus toutes ses dents, son chef est branlant et chenu ; ses yeux vagues et sans lumière tra- hissent que le gin l'a un peu abruti. Malgré tout, c'est un compagnon amical ; c'est bien lui — et nul autre — qui t'a dit toutes les choses épouvantables qui se passèrent à ce moment dans Londres.

Ces hommes vont, viennent, à pas mesurés, à gestes obliques. Ils ont d'étranges et furtives manières de tourner autour du comptoir, de se couler entre les étoffes, de s'arrêter devant les vitrines et les tiroirs. Et ce jeu des mains sous

�� �