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Incompréhensible à ceux qui cherchent le bonheur ; inutilisable à ceux qui font des lois, tracent des plans et des limites, combinent des solutions ; ce créateur n’a point affaire de diriger la vie. C’est assez qu’elle lui soit donnée. Il se passe d’une raison plus affermie qui l’aidât à dominer, ou simplement à comprendre, — lui dont la vocation est de servir, et de subir. Et il ne lui appartient pas non plus de décider ce qui, dans l’homme, doit être dédaigné, ou réprimé, ou méconnu. « Entre les plus intenses, homme insatiable de sentir l’homme vivant. » Complice de tout ce qui vit…

Il est plus d’un homme, ce Dostoïevski : et d’autant plus, qu’il est plus Dostoïevski. Plus d’un homme, et plus d’une femme…

Dostoïevski, si divers et si un, conçoit l’amour avec deux ou trois femmes, ou plusieurs : car il y a en lui deux ou trois ou plusieurs hommes pour toute femme qu’il aime…

Il n’est pas loin d’admettre deux ou trois hommes pour la même femme, parce qu’il les trouve en lui ; et tous les trois, en lui, ont besoin de la femme qu’il aime. C’est de ce fond obscur que se lèvent les héros étranges de ses livres : à tous ensemble, dans le même amour, ils n’en font qu’un, qui est lui, Dostoïevski. De là, cette