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Page:NRF 7.djvu/244

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L’ordre de Dostoïevski « est un prodige quand il l’atteint ». Suarès ajoute : « Une telle œuvre, quand on l’a saisie, semble la merveille longtemps souhaitée par l’esprit. » Et ailleurs : « L’Occident énumère et calcule : il est nombre et géométrie. Le Russe évoque et pressent : il est mouvement intérieur et musique. »

Dostoïevski a son ordre et sa mesure, qui ne sont pas les nôtres. J’essaierai, un jour, de l’expliquer à mon tour. Mais fera-t-on comprendre qu’un ordre existe en dehors du géométrique, une mesure qu’il ne faut pas assimiler à « la moyenne des statistiques », une composition qui n’est point toute didactique ; et qu’une infaillible ordonnance dont l’esprit embrasse d’un seul coup toutes les proportions, n’est pas la seule figure de la beauté ?

« Toutes les sauvageries du monde ne valent pas un beau jardin à la française. »[1]

Peut-être diriez-vous encore, et dirai-je avec vous : toutes les beautés du monde ne valent pas la beauté française… Or, à cause de cette beauté-là, la plus belle de toutes, dont il emporte partout l’image dans son cœur, un artiste de France pourra, sans imprudence, s’aventurer à travers tous les pays du monde. À cause de ces beaux jardins-là, dont le modèle forma son âme et reste étendu

  1. Charles Péguy.