Page:NRF 7.djvu/288

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

282 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

natrice, aussi éloignée des "sévères disciplines scientifiques" qu'elle est distante des expédients littéraires : faculté vivante qui épouse la vie, l'absorbe et la restitue ; qui engendre l'œuvre vivante et non "la mortelle théorie"; qui crée en mouvement, qui est mouvement.

Pour vivre, il ne suffit pas, comme le veut M. Bourget, qu'une œuvre écrite soit " un témoignage de la vérité ". Il importe qu'elle soit cette vérité. Et rien ne nous met en possession de la vérité, si ce n'est une sorte d'amour qui reste indéfinissable. M. Paul Bourget aura beau parler de " soumission à l'objet ", vanter les conseils de Sainte-Beuve et de Taine, je sais qu'il entend à sa manière ce terme de "vérité" dont il abuse; et que c'est une manière stérile...

Mais ouvrons le volume.

C'est ici le désert de la psychologie... Une implacable et monotone lumière. Tout est juste, exact et successif, sur le même plan. On ne voit point de limites. Et pourtant, comme elle est bornée cette psychologie qui tout entière se résout en des explications ! Comme elles sont ingrates et laborieuses ces aventures fabriquées !

M. Paul Bourget est aussi peu romancier qu'Alexandre Dumas fils était peu dramaturge. Il est totalement déshérité de cette simple et saine passion, l'essentielle du romancier : la passion de conter des histoires. Il disserte, il discourt. Il a de l'éloquence et de la compétence. Visiblement il veut nous " épater ". Mais je crois que, bien davantage encore, il s'épate lui-même. Et ses personnages sont admirablement dressés à ne point lui couper la parole. C'est qu'ils ne sont pas des person- nages, mais des sujets d'hôpital, des pièces de laboratoire, des témoins anatomiques, au sujet desquels le professeur fait la leçon. Il la fait très bien. Ah ! le " mécanisme " est parfaitement décrit. Il est visible, tangible. Tous les éléments en sont disso- ciés. Mais quand il s'agira, tout à l'heure, de les aggréger, de les galvaniser à neuf, d'y réinsuffler le mouvement ; quand il

�� �