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398 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Et en effet qu'il me parut étrange, ce petit village de Ben Nezouh dont le nom veut dire " Fils des Délices ", avec sa mosquée primitive et sa Kasbah ruinée, fauve et brûlé par le soleil, tout fendu, craquelé de ruelles tor- tueuses, château de sable comme en font les enfants, à la merci du vent et de la pluie, et qui tenait là depuis des siècles. A ses pieds, des jardins ; devant lui, le désert, une molle étendue, des espaces dorés, doucement animés par le léger bondissement des dunes.

Quand j'y débarquai, vers midi, il était endormi et comme abandonné. Le soleil qui tombait d'aplomb frisait sans les éclairer ses murailles de boue. La terre réverbérait sa lumière et jetait des éclairs de feu sur les moindres saillies des murs et tout ce qui passait dans le ciel : les nuages légers en étaient orangés, et les vautours blancs et noirs qui tournoyaient dans l'air devenaient ardents et soufrés.

Pas un bruit ne sortait des maisons sans fenêtres, pas une âme qui vive, mais partout où la rue passait sous une voûte, des burnous étendus que les dormeurs tiraient avec leurs doigts de pieds pour se couvrir les jambes. Au fond de petites boutiques pas plus larges qu'une armoire, des marchands sommeillaient, un éventail à la main. Allon- gés sur le comptoir, des enfants, chargés sans doute de surveiller la marchandise, dormaient aussi le ventre en l'air et les bras sur les yeux. Tout était silence et repos. Les places étaient vides, la fontaine arrêtée. Un seul bruit s'élevait de ces murailles brunes, un bruit précipité, qui sortait d'une chambre où trente gamins, accroupis autour d'un vieil Arabe à lunettes, armé d'une gaule flexible, lisaient un verset du Coran. Ils le lisaient tous ensemble

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