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484 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Paris. " Tu m'as sauvé la vie ! " crie Méritai. Quelques phrases et le changement joyeux de son attitude suffisent à nous faire comprendre quelles armes terribles il a contre son collègue, et qu'il tient par lui son diffamateur auquel il va pouvoir fermer la bouche.

Désormais nous n'avons plus rien à apprendre. Le reste de la pièce ne va plus être qu'un développement /car /iJ/aMf, une lutte truquée dont le résultat est connu d'avance et que les adversaires s'amuseront à prolonger pour le plaisir de se faire valoir. La grande scène où Méritai oppose à Frépeau chantage pour chantage et le force d'arrêter les poursuites en le menaçant de le dénoncer à son tour, ce marché qui pourrait se conclure en quelques minutes, M. Bernstein en tire la moitié d'un acte. Voici un homme qui va passer en jugement dans deux heures ; il faut auparavant qu'il convainque Frépeau, il faut que celui-ci rejoigne le calomniateur, l'achète et fasse échouer l'assaut qu'il a déchaîné lui-même. Et dans un tel moment Méritai s'amuse- rait à jouer au chat et à la souris ; il prendrait son temps et ménagerait ses effets comme s'il était déjà à l'audience, lui qui tient son adversaire tête à tête et que le moindre obstacle peut encore anéantir ? Il entame son récit sans hâte. Chacune de ses phrases, le public l'attend ; de même chacune de celles de Frépeau qui s'enferre. Il faudrait pouvoir faire l'analyse de ce texte et le démonter réplique à réplique : on verrait que presque tout y est parade.

Cette grande scène, où plus rien de neuf ne se découvre, c'est en réalité une scène de cinquième acte, la scène de liqui- dation où l'on démasque le traître. Placée au milieu de la pièce, elle la réduit toute en façade et c'en est fait de la suite. Façade que cette attente anxieuse, tandis que commence une audience dont nous savons par avance le résultat ; façade surtout que cette grande scène de confession où Méritai avoue à Renée qu'il a réellement volé et lui raconte l'affreuse misère dans laquelle a commencé sa carrière. Car enfin ce récit fait à une

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