NOTES 503
éprouve à être maltraité. Je subis sa monotonie sublime, son retour perpétuel ; je me plais obscurément à ce qu'elle a de butté. Plus elle se répète, plus s'agrandit ma soumission et plus je me sens de partout vaincu.
Il faut bien comprendre en quoi consiste ce que Bach a d'accablant et d'inhumain. Il représente la régularité de notre nature; il respire à notre place et comme il faut; il est la santé parfaite que nous ne savons pas entretenir; il insulte à notre faiblesse en étant ce que nous serions sans elle. Son art ne s'adresse pas à l'imagination, il ne fait que reproduire notre vie en la rectifiant, en lui rendant son exercice normal. C'est pour- quoi il est si peu flatteur, si dur, si hostile. Au lieu de nous divertir, il nous montre à plein et cruellement ce qui nous manque, -notre faute j notre péché.
Le jeu rude et régulier de Blanche Selva accentue la remon- trance que contiennent ces œuvres; et nous nous sommes sentis en sortant de ce concert, l'âme satisfaite et lasse de quelqu'un qui vient d'être vertement morigéné.
J.R.
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MA MÈRE L'OYE, ballet de Maurice Ravel. (Théâtre des Arts).
Cette petite suite pour piano, à quatre petites mains, illustrait de charmants vieux contes. On la danse maintenant au Théâtre des Arts avec esprit, éclat, finesse, et l'orchestration n'a pas fait perdre à la musique son enfantine saveur. A peine sent-on que le Prélude et les Danses, ajoutées par M. Ravel à la partition primitive, ont été conçus pour l'orchestre et non adaptés seulement ; ces nouveaux morceaux sont plus riches et plus subtils, moins linéaires et moins naïfs. Mais quelle joie aiguë, mesurée, intellectuelle nous donne ce petit orchestre : il semble qu'on entre en causerie, avec chacun des instruments, chacun tour à tour, puis ensemble. Le chant délicat de Ravel est plus
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