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630 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Est-il besoin de vous dire que depuis longtemps les touristes avaient abandonné ce séjour déshonoré? Les villas s'étaient fermées peu à peu comme les maisons indigènes. Notre société fit faillite, l'hôtel fut vendu à vil prix et racheté par Mammo. Tout ce qui vivait autrefois des voyageurs, et qui mourait de faim aujourd'hui, se fit coupeur de grands chemins. Tout autour de Ben- Nezouh on vit s'organiser des bandes qui dépouillaient les caravanes. Les gendarmes eux-mêmes contribuaient énergiquement à l'insécurité du pays. Chaque matin ils rapportaient à la mairie une singulière moisson d'armes à feu invraisemblables, enlevées à d'inoffensifs nomades, vieux fusils à pierre ou à capsules, souvent sans chien et sans détente, et le canon crevé, composés de cinq ou six pièces ayant appartenu à des armes différentes, racco- modés avec des fils de fer par des armuriers de fortune, mais qui de loin pouvaient faire illusion, tenir en respect les bandits, et gonflaient de satisfaction le cœur naïf de ces caravaniers dont c'a toujours été l'orgueil d'avoir un fusil sur le dos. Les pillards, eux, étaient tranquilles : ils mettaient autant de soin à dissimuler leurs armes que les autres d'ostentation à les laisser paraître, mais ils savaient les tirer au bon moment.

Ajoutez que tous les bandits n'agissaient pas à main armée. Gonzalvez avait prodigieusement étendu son industrie de terrains-pièges, et son brigandage légal for- mait autour de l'oasis une toile d'araignée où tombaient les pauvres nomades.

Désarmés par les gendarmes, fusillés par les brigands, détroussés par le maire, les caravaniers à leur tour désap- prirent les chemins de Ben Nezouh. Beaucoup allèrent

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