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LA FÊTE ARABE 63 I

rejoindre leurs frères, qui avaient enfin trouvé du travail et quelque sécurité sur les plateaux d'Asie Mineure ou dans les plaines de l'Euphrate. Ce fut la ruine des deux colons de France qui leur achetaient leurs moutons et leurs dattes. L'un d'eux repassa la mer et retourna végéter dans sa province, après avoir perdu le pécule qu'il en avait emporté. L'autre lutta longtemps avec moi, mais on ne se bat pas indéfiniment sans espoir. Ses récoltes étaient pillées, ses troupeaux empoisonnés, ses domestiques obligés de le quitter et même de s'expa- trier pour échapper aux représailles. Lassé d'une lutte inutile, il finit par se ranger du côté des Calabrias, et devint plus féroce qu'eux.

Il n'y eut pas jusqu'au maître d'école qui ne connut à son heure la disgrâce d'être né français. On l'accusa de négliger les enfants des colons au profit de deux ou trois pauvres petits Arabes qui demeuraient encore, d'intro- duire la politique à l'école, de fomenter des discordes dans le conseil municipal. Un inspecteur arriva. Trente témoins confirmèrent l'exactitude des feits allégués. Le pauvre diable vint me voir pour me prier de prendre sa défense ; une obscure sympathie, le sentiment d'une fraternité de race le jetait vers moi dans le chagrin. "Ah ! me dit-il, comme vous aviez raison de lutter contre ces gens-là ! Comme j'en suis revenu ! Ils soulèveront tant de haine qu'ils nous feront perdre l'Algérie ". Mais comme il ne pouvait tout à fait renoncer à ses vieilles idées : " Si seulement on me nommait en France, me dit-il avec un soupir ! Je déteste autant les Arabes que tous ces étran- gers ! " On l'expédia quelque part, je ne sais où sur les Hauts Plateaux, où sa pécore de femme refusa de le suivre.

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