LE RAIL 59
Le chef le félicitait :
— C'est très bien. On vous en tiendra compte. Il partit, vendu par M. Legendre :
— Si on le revoit avant sept heures, je croirai que les claqués du 159 ressuscitent.
L'épave réduite à la seule machine, bouchait l'entrée Sud. Les réceptions et les départs s'effectuaient par le Nord. Cette hémiplégie du triage imposait le désespoir aux manœuvriers. M. Daâ donnait, toutes les cinq minutes, une appréciation identique :
— On n'en sortira jamais.
Sa main brûlante ratissait sur sa pauvre tête des cheveux déracinés. Planchon à la patience puissante, dirigeait tout et jugeait ce geigneur :
— Faut plus rien lui demander. Il est fou. L'aurore commençait sa beauté perdue pour les
hommes aveuglés de souci. Le calme venu du fond du ciel ne touchait point la terre, armée par l'humanité au travail, d'inquiétude et de fumées.
Au jour, la 3,609 fut debout, la traverse d'avant brisée et les tôles aux peintures perdues, crevées des deux côtés. Les chefs de service contestaient sur l'heure du relevage. M. Griaux portait 6 heures, M. Boullois voulait 45, le temps commençant pour lui au premier coup de pioche possible à ses cantonniers, non à la mise sur rails.
Le 378 circula à trajet normal sur la voie rétablie, protégée par drapeau vert : Ralentissement.
Les poseurs achevaient, entre les trains, de serrer les tire-fonds et de bourrer les traverses. On pouvait prévoir que la série de midi approcherait des horaires exacts.
Les manœuvriers ajoutaient à leur besogne le tour-
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