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664 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ton surpris et détaché : c'est à peine si Werther est connu de René. Quant à Byron, il l'expédie assez cavalièrement ; à bon droit, il me semble : Byron est un Chateaubriand aventurier et sans style, un René qui n'a pas réussi son fait.

Un géant couvrait la France et l'Europe. Voilà l'envie et la vraie douleur de Chateaubriand. Napoléon n'a pas eu d'ennemi plus profond, ni plus farouche, ni d'ailleurs moins dangereux. L'amour propre est meurtrier ; mais non pas celui qui tue avec une plume. Chateaubriand ne haïssait que dans l'encre. Il peut noircir un rival ; il ne peut pas agir contre lui. Il ne peut pas faire la guerre au dieu de la guerre.

D'orgueil plus égoïste que celui de Chateau- briand, on n'en trouverait pas. Il en est sot, il en est bête. Il se compare à Napoléon, jour par jour et action pour action. Il consacre tout un volume à ce parallèle. Il le poursuit jusque dans l'homme de guerre. Bonaparte et moi : tel est son absurde refrain. Il se donne l'immense avantage d'un U sur Napoléon ; et il l'appelle Buonaparte, obstiné- ment. Il ne veut même pas être l'aîné de Buonaparte sinon par le génie ; et il cherche à prouver que Buonaparte est né comme lui en 68. Il admire là dessus les constellations, et son air d'astrologue modeste est impayable. Moi et Buonaparte : il veut dire qu'à trente cinq ans, René et le Génie du Christianisme valent bien les deux campagnes

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