678 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
c'est la forte singularité de Chateaubriand que la mort l'enivre autant qu'elle l'obsède.
Dans Pascal, la mort est le ressort du drame. Pascal se mesure sans cesse à la mort. Il faut vaincre. Pascal se fait une idée égale de l'horreur qui attend la défaite et du salut éternel promis à la victoire. Dans Chateaubriand, la question est résolue. 11 ne s'agit plus de la mort possible, mais de la mort certaine. On ne peut vaincre : l'homme est toujours vaincu. La mort de Chateau- briand est le néant même. Et tout est dans le néant, pour lui. Avec tant de sentiment, il a si peu de cœur !
Sa religion, et tout ce qu'on en peut dire, masque à la peine de mourir. Et masque à porter dans le carnaval de la société humaine. Or, quoi de plus réel, le masque ou la figure de la mort ?
Le goût du néant se mêle à tout ce qu'il pense, à tout ce qu'il fait, à tout ce qu'il sent. C'est pourquoi il a beau se goûter : c'est son néant qu'il goûte. De là sa monotonie, et ses plus beaux accents.
N'aimant rien, il ne croit rien. Il ne croit à lui même que dans l'image qu'il s'en forme, et qu'il admire. Ainsi, son mensonge est sa nécessité. René, je comprends vos noirs ennuis.
Même mort, il faut qu'il se retire et qu'il se place au foyer d'un sublime mirage. Ayant vécu de bruit et de vaine gloire, il s'est fait coucher sur
�� �