Aller au contenu

Page:NRF 7.djvu/737

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

731

��JEAN MOREAS

��POETE TRAGIQUE

" La vie a trahi Henry Becque ", écrivait un jour Moréas ; "je crains que la mort ne se moque de lui ", et il s'expliquait :

    • Celui qui s'élève dans les hautes sphères de

l'art, un Milton, un Corneille, s'il coule des jours malheureux, goûtera, dans son infortune même, une infinie douceur. Il se plaint, sans doute, et maudit son siècle. Cependant, en dépit de ces heures de faiblesse humaine, l'orgueil le soutient secrètement et lui rend déjà l'avenir visible. Je parle du noble et légitime orgueil et non de cette passion équivoque qui n'en prend que les vaines apparences. Et je suis certain que peu de gens éprouvent en réalité ce véritable orgueil au point d'en être secourus... Ce que la vertu a de plus délicieux formait la nature de Becque. Il avait conscience de son grand mérite ; mais n'avait-il pas aussi, au fond de son cœur, comme un pressen- timent de sa destinée ? Il songeait peut-être que la Comédie bourgeoise, où il excellait, doit obtenir sa récompense du vivant de l'auteur, et que se fier,

I

�� �