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732 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

en pareil cas, à la postérité, c'est bâtir sur le sable ".

Une véritable sympathie pour l'infortuné Henry Becque anime cette forte page, mais elle reçoit son mouvement intérieur de la méditation de Moréas sur sa propre destinée. La vie a trahi Moréas de bien des manières, mais, assuré qu'il était que la mort ne se moquerait pas de lui, nulle trahison jamais n'entama le magnifique et légitime orgueil qui lui rendait l'avenir visible. Il avait conscience d'être le seul tragique de son siècle, et savait qu'à ce titre, en dépit de ses imperfections, la postérité le sauverait de l'oubli, où sombreront avant qu'il soit longtemps les poètes, ses contemporains, qu'il eut l'amertume de se voir préférer.

Car les genres existent, et le tragique est le plus élevé de tous en dignité.

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��Le XIX® siècle est le siècle par excellence du lyrisme. Or l'art lyrique est aux antipodes de l'art tragique, s'il est vrai que l'un se définisse par la prédominance de la sensibilité sur la raison, comme l'autre par la prédominance de la raison sur la sensibilité. Qu'un Lamartine, un Musset s'aban- donnent sans contrôle aux inspirations de leur cœur, c'est trop clair ; mais Hugo lui aussi, avec ses prétentions à la pensée impersonnelle, est à ce

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