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d'aDDIS-ABEBA a DJIBOUTI 763

cheville ; les hommes bientôt ont les mollets couleur vert- de-gris. Pour échapper au tourbillon que notre marche soulève, je prends les devants. Le velours de la route, que le vent jamais n'effleure, a gardé les empreintes de tous ceux qui y passèrent. Elles sont précises comme des images : pour un peu, on se reprocherait d'en brouiller le net dessin sans bavures. Côte à côte, je distingue les rondes foulées, en forme d'assiettes, des dromadaires, le petit écusson des mulets, et aussi les traces légères, à peine appuyées, du pied nu des chameliers, droit, mince, l'orteil bien écarté. — Abominable chaleur de cette étendue aride et sans ombrage où durant deux heures nous cheminons entre les buissons poudreux. De petits oiseaux blancs et noirs, perchés sur les plus hautes branches, y chantent avec une ardeur que notre approche paraît exalter. Je m'étonne qu'un son si ample et si tendu puisse tenir dans un si étroit gosier : à la tonique, il s'étale et plane en une sorte de rubato éperdu, prolongé à plaisir, et s'il s'arrête tout à coup, c'est que l'oiseau sans doute ne saurait supporter de l'entendre davantage. A côté de chaque chanteur, on découvre un nid rond et fragile, accroché aux épines.

Devant nous, se dresse, enfin, la haute et longue falaise où est installé le poste douanier de Tchoba. On y grimpe par un sentier qui coupe en diagonale l'ample trapèze de granit et surplombe un ravin brûlé, plein de rochers roux et d'euphorbes géants. Déjà, notre arrivée, là-haut, a été signalée : pour nous rappeler que nous avons à produire nos papiers, on tire des coups de fusil en l'air. Un de mes hommes, aussitôt, nanti du raftié qui sert de passe-port, gagne au galop la hauteur. Le

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