Page:NRF 7.djvu/768

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

762 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

voi de deux cents mulets s'allonge et s'éparpille sur le roide penchant de la colline qu'il escalade. Chacun porte sur le dos, arrimée en travers, une caisse de cartouches Gras. Les nagadis qui s'essoufflent à l'entour s'interrompent de crier pour échanger, au passage, avec mes hommes de cérémo- nieuses salutations. Un bonasse Indou barbu, l'air d'une vieille femme, ferme le cortège. Redingote à longues basques, ample pantalon de toile blanche étalé sur la selle. Il a une petite calotte sur le crâne, des lunettes, et abrite sous un immense parasol vert son teint de pruneau. Quand je le croise, il détourne la tête, non par insolence, mais par orgueil, de peur que je ne réponde pas au salut qu'il lui faudrait m'adresser si son regard rencontrait le mien.

Nous touchons la plaine enfin, où se prolongent pen- dant quelque temps encore, les contre-forts pierreux du gradin que nous venons de descendre. — Lumineuse solitude. Le ciel a repris sa transparente clarté ou du moins, à cause de l'écran des rochers interposés, on n'aperçoit plus la nuée pluvieuse qui, sans doute, sur notre gauche, continue de ruisseler. L'azur brûlant et nu, pèse, ici, sur les fourrés d'épines et de mimosas, auxquels se mêlent des bouquets d'euphorbes à chandelles. Leurs longs bras de bronze, cannelés et couturés, s'élancent en faisceaux serrés ou s'épanouissent ainsi que des éventails. Brisées, ces chandelles, plus grosses que des cierges, appa- raissent creuses ; pas de bois, mais seulement une sorte d'écorce rugueuse, pareille au liège et qui se rompt au moindre heurt. — Epaisse et onctueuse poussière partout répandue, qu'il semble que depuis des années aucune rosée n'ait humectée. Les bêtes y enfoncent jusqu'à la

�� �