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Page:NRF 7.djvu/774

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touche terre le fil télégraphique. Murs de feuillage qui laissent passer la lumière, non pas la chaleur; une vieille caisse marquée Légation de France est jetée dans un coin ; à hauteur d’homme, propre et brillant l’appareil téléphonique. Au bout de deux minutes j’ai la communication avec Addis-Abeba : des voix amies, par dessus les cent cinquante kilomètres de brousse qui nous séparent, m’accueillent et me répondent. Les gosses, entre temps, se sont rapprochés ; ils m’écoutent parler, peu à peu pénètrent dans la toucoule. L’odeur de leur sueur, de leurs membres se répand. Les garçons sont nus, sauf qu’une peau de mouton est nouée autour de leur épaules, une petite tresse flotte au sommet de leur crâne rond et rasé. Les fillettes ont la longue chemise sale, tombant jusqu’aux pieds, des colliers de verroterie sur leur gorge découverte ; une bande de cheveux frisés fait couronne autour de la tête soigneusement tondue. Les uns et les autres, vifs, éveillés, chuchottant ou pouffant discrètement et se creusant le nez avec leurs doigts que c’est une bénédiction.

Quand je sors, c’est l’instant bref et délicieux où le jour va tomber, où la nuit qu’aucun crépuscule ne précède est déjà toute prête. Fraîcheur qui tout de suite se répand. Dans chaque maison que nous longeons, on entend des bruits de voix. L’éclat des petits feux allumés sur la pierre du foyer, au milieu des huttes, brille au travers des cloisons de torchis et de feuillages. — Au campement, je trouve une nombreuse société entourant les mules de deux chefs qui m’attendent, assis devant la tente. Sur ma table posée à côté d’eux, les boys, en l’honneur de ces dignitaires, ont étendu une nappe propre et sorti toutes les bougies,