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Page:NRF 7.djvu/897

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NOTES 891

inflige un éclatant démenti et fait savoir à tout le monde que vous n'avez rien compris à son afFaire. J'avais essayé de découvrir une intention à la tentative des Cubistes : ils proclament dans ce Salon que ce n'est pas ça du tout et qu'on n'arrivera pas à démontrer qu'ils fassent autre chose que des absurdités. Le Fauconnier et Léger, deux premiers rôles, font porter, cette année, tout leur effort sur ce qu'ils appellent " l'utilisation de la fumée" ; c'est-à-dire que l'un, ayant à représenter la fumée d'un coup de fusil, accroche un prospectus dans le dos de son Chasseur et que l'autre, prenant pour sujet de son tableau La Foule, nous montre d'énormes colonnes de brouillard où flottent quelques chapeaux melons. Le Cubisme est mort, vive le Fumisme ! Il est sot de rire d'abord. Mais je leur ai fait assez confiance pour avoir gagné de rire maintenant. Ce sont de pauvres gens.

A quoi bon critiquer leurs œuvres ? Je voudrais seulement décrire leur état d'esprit. — Ils prétendent penser ; à les en croire, ils sont des théoriciens ; l'intelligence en eux domine la sensibilité. Ils ont bien senti que, pour être neufs, c'est en intellectualistes qu'il fallait se poser.

Or voyons ce qu'ils appellent penser. Dans leur tête parfai- tement vide un rudiment d'idée survient, un de ces germes élémentaires que tout homme habitué à réfléchir laisse dédaigneu- sement avorter. Mais dans leur cervelle il n'y a rien : aussi l'idée s'y dilate-t-elle, comme un gaz dans le cylindre d'un moteur ; aspirée par la place à remplir, elle s'enfle, elle les gonfle, elle les emporte en avant. Ils ne pensent pas, vous dis-je, ils tombent, la tête la première. Ils cèdent à leur propre néant. Ils sont entraînés par le vertige de leur pensée ; mais c'est le vertige du désert. Leurs idées sont des bourgeons rachitiques qui se développent jusqu'à devenir gigantesques, mais en conservant la laideur et l'infirmité de leur origine. Un tel tout-à-coup découvre que " ce qui a perdu la peinture c'est

II

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