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LETTRES A FANNY BRAWNE 959

beauté quoique à mes risques et périls ! Pourriez- vous bien être assez cruelle pour essayer ailleurs son pouvoir ? — Vous dites que vous avez peur que je ne croie pas à votre amour ? et en disant cela, vous me faites souffrir doublement d'être séparé de vous. Je fais ici un emploi diligent de mes facultés. Je ne passe pas un jour sans produire quelques vers incolores et sans joindre ensemble quelques rimes. Mais ici, je dois vous confesser (puisqu'aussi bien je suis sur ce sujet) que je vous aime d'autant plus que j'ai la conviction d'avoir été aimé de vous pour moi seul, et pour rien d'autre. J'ai connu des femmes qui, je le crois vraiment, se marieraient avec un " poème " et se perdraient pour une " nouvelle " ! J'ai vu votre comète, et je souhaiterais seulement qu'elle annon- çât la guérison du pauvre Rice dont la maladie fait un compagnon assez mélancolique, d'autant plus qu'il s'efforce de me dissimuler ses souffrances à grand renfort de calembours.

J'ai couvert votre lettre de baisers espérant que vous y aviez laissé en ma faveur un peu du miel de vos lèvres. Quel était votre rêve ? Dites-le moi, je vous en donnerai l'explication.

Toujours vôtre, mon amour,

John Keats.

Ne m'accusez pas de retard : nous n'avons pas tous les jours des occasions pour envoyer les lettres. Ecrivez bien vite.

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