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LETTRES A FANNY BRAWNE 96 1

genre de présages, comme par exemple au vol des corbeaux. C'est mon malheur, non ma faute ; cela provient de l'ensemble général de circonstances qui a entouré ma vie et m'a rendu le moindre événement suspect. En tous cas, je ne veux plus ni me troubler ni vous troubler avec ces tristes prophéties. Quoique, jusqu'à un certain point, je me réjouis de ce que cela m'a donné l'occasion d'apprécier votre désintéressement envers moi. Je ne veux plus jouer le rôle d'oiseau de malheur. V'ous et le plaisir prenez au même instant posses- sion de moi. Je crains que vous n'ayez été souf- frante. Si la maladie vous a effleurée à travers moi, (pourvu que ce soit d'une main très légère) j'ai l'égoïsme de m'en réjouir un peu. Me le pardon- nerez-vous ? Je viens de lire un conte orieival d'une couleur magnifique — c'est l'histoire d'u^ Cité de Mélancolie dont les habitants sont devenue tels par la circonstance suivante : à travers une série d'aventures, ils arrivent, tour à tour, dans des jardins paradisiaques où ils rencontrent la Dame la plus enchanteresse ; au moment où ils s'approchent d'elle pour lui donner un baiser, elle les prie de fermer les yeux ; — ils les ferment — et quand ils les ouvrent de nouveau, ils se voient suspendus dans un panier magique qui les descend sur terre. Le souvenir de cette Dame et des délices perdues sans retour les rend à tout jamais mélan- coliques... Combien je vous ai appliqué ceci, ma

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