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IOI2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sera trop précieux. Pour lui, le problème de la lumière se pose divinement : il a l'or. Il peignait hier des missels, il les ouvre ; il étale l'or au grand jour. Non pas comme un rehaut discret au bord des vêtements, autour des nimbes : mais comme un feu flambant, comme une baignante atmosphère. L'or occupe la place maîtresse. C'est l'air sans mélange du ciel.

Cet air, qui le respirera ? Quels saints, quel Dieu à l'image de l'homme et né de ces humaines mains . Auprès du métal pur, il n'est de pureté qui tienne ; auprès du métal glorieux, il n'est de gloire, ni de beauté. C'est tout son art, l'esprit, la couleur et la forme qu'il faut qu'Angelico accorde avec le chant de l'or.

Hélas, si l'esprit plane hors de notre atteinte, le métier est bien simple, dont dispose le bien- heureux : c'est celui d'un enlumineur, pas davan- tage. Il sait orner proprement une page, dessiner sans trembler, garder ses couleurs fraîches : il se plaît à les assortir. S'il le faut, il peint à la loupe : mais il a de bons yeux... C'est tout.

O confondante minutie ! C'est tout, et c'est assez pour lui ! Oui, il lui suffira d'exercer son métier en conscience, de s'appliquer comme un sage ouvrier à modeler chaque visage, à lisser chaque chevelure, à plisser droit la soie et le velours ; à poser la fraîcheur aux joues, le sang aux lèvres, un reflet d'azur dans les yeux, sans

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