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CHRONIQUE DE CAERDAL ^^57

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Ils radotent sans fin d'une religion sociale, d'un culte rendu par chaque homme à la cité, à la patrie, ou même à la race. Et ils en parlent précisément comme on a tant parlé d'une religion pour le peuple. C'est toujours l'objet sensible au cœur qui manque le plus, dès que le cœur est rebelle. Pour venir à bout de l'individu, il n'y a que l'individu.

Rien ne peut plus détruire la religion du moi dans l'individu. Quand il a perdu le dieu des religions, l'homme se fait un dieu de soi-même. Témoin, la fureur des femmes pour leur propre sexe, depuis peu. Il faut être bien fort, et d'âme vaste, pour se tenir au sentiment du moi, sans faire tourner tout l'univers autour de ce point fixe. Rien ne borne donc la religion égoïste, qu'un sacrifice du moi au moi : la volonté de préférer en soi une portion plus belle que les autres, une part supé- rieure à l'intérêt, un dieu plus grand que l'amour propre : préférer enfin l'accomplissement de soi- même, qni ne va jamais sans beaucoup de douleur, au plaisir direct que la satisfaction de l'intérêt sans plus trouve en ses menues victoires.

Plus je refuse aux tigres, plus j'accorde aux vrais individus. Les tigres sont des individus absurdes, nés pour le troupeau, et non pour en sortir. Ils sont la parodie de l'individu. Mais la

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