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1084 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

s'adapter aux conditions de la vie. Mais Robert est un faible par pauvreté, par passivité, un faible qui ne retient la sym- pathie de personne et dont la défaite n'est que juste, pour ne pas dire heureuse.

Il y a là un vice dans le point de départ que nulle adresse de facture ne pouvait pallier. Une minutieuse étude des raisons qui éloignent Robert de sa famille, l'aiguë notation de toutes les phases de la crise pouvaient seules essayer de retenir notre intérêt. Tout être humain a de quoi, sinon soutenir un drame, du moins nous attacher, à condition que l'auteur éta- blisse, entre nous et lui, mille liens ténus de sympathie et de complicité. Mais M. Georges Duhamel campe son personnage en pleine synthèse lyrique. Dès lors ce n'est plus qu'une ombre. Que dit Robert de la déformation qu'il doit à son éducation ? Il y a sur les os de mon visage une chair docile où y ai grande honte de retrouver V empreinte de doigts étrangers, etc. Et lorsqu'il se croit délivré, que trouve-t-il pour faire comprendre son bon- heur à son amie ? Tu n'as jamais vu le visage d^un homme qui vient de contempler une vérité en face. Oh, la vérité peut ne pas être toujours propice à un bonheur universel : elle est laide et magnifique, etc. Je citais à dessein quelques phrases de La Lumière. Celles-ci sont de la même veine. Elles montrent chez M. Georges Duhamel deux éléments qui continuent à se combattre : l'un réaliste tout chargé de tendresse et de poésie intime, l'autre d'un lyrisme verbal abstrait qui me paraît sans cesse s'envoler par delà le but, ce qui est une façon de le manquer. Rien n'est impertinent comme de prétendre révéler sa voie à un auteur, mais M. Georges Duhamel ne nous indique-t-il pas lui-même vers quoi il tend ? Certaines parties de sa pièce se meuvent sur terrain solide. Que ce soient celles auxquelles il porte en secret le plus de tendresse : nous n'en demandons pas plus.

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