JULIETTE LA JOLIE IO5
De ces pâturages où des millions de moutons piétinent, se bousculent, où des milliers de bêtes à cornes ruminent et meuglent. Frébault disait avec admiration :
— Dame, ça doit être autre chose que notre champ de foire.
C'était une des dernières belles nuits de cet été qui touchait à sa fin. Le mois d'août s'en était allé pour jusqu'à l'année prochaine. Il reviendrait à son heure.
Pour un ingénieur qui gagnait beaucoup d'argent, le cousin n'était pas fier. Il habitait une maison toute simple où le père Leclerc, avant de mourir, avait creusé beaucoup de sabots. Presque adossée à celle de M™* Durand, elle n'en était séparée que par une cour intérieure. M™* Durand entrait sans se gêner. Elle l'avait connu au berceau, puis allant à l'école des frères, studieux, avec tous les premiers prix à la fin de l'année. On savait, déjà, que l'on ferait de lui quelque chose.
Il prenait son café en fumant une courte pipe en écume de mer. Le Louis alla serrer la main de sa cousine, qui était en peignoir. De n'avoir jamais vu Juliette en peignoir, elle lui paraissait plus distante, plus inaccessible. Et puis pensait-il encore à Juliette ? Il n'avait plus l'air désespéré. Sa moustache poussait vraiment ; il avait pris l'habitude de se mettre de la pommade sur les cheveux.
— Il a fait bon aujourd'hui, dit M"* Frébault. Mais il faut se dépêcher d'en profiter parce que les jours se font courts. A six heures et demie on y voit tout juste clair.
Elle disait cela comme on fait part, à qui l'ignorait, d'un événement d'une importance exceptionnelle.
— Oui, dit le cousin Leclerc au Louis. Dépêche-toi de jouir de ton reste. Dans un mois nous serons partis.
�� �